Candidatures à la Présidence de l'Assemblée

Comme le voulait la constitution, un Président de l'Assemblée devait être élu par les députés. Celui-ci aura pour charge de diriger les débats et de mettre au vote les lois et amendements.

Les députés se réunirent alors en une scéance particulière, durant laquelle les diverses orientations politiques de l'assemblée pouvaient présenter un de leurs membres pour ce poste.

Figuerald Moniard, député valeziste, se portait candidat. Chacun le connaissait plus ou moins pour ses prises de position systématiquement en faveur de la politique du Parti du Peuple Libre. L'impartialité ne serait pas son fort, mais les députés connaissaient bien également ses méthodes rigoureuses et son apologie systématique de l'ordre, qui ferait de lui un Président apte à organiser avec minutie les débats et les votes.

L'Assemblée attendait qu'un ou d'autres candidats se désignent.

Peu après que le favori de Valezo se soit présenté, deux hommes d'un âge canonique se levèrent de part et d'autre de l'hémicycle. Le premier se trouvait être le doyen de l'assemblée, autant par son âge que son expérience du pouvoir. Le baron Aloysius d'Estampe de Horne avait en effet siégé à la Chambre d'Or depuis sa création en 1892 jusqu'au 5 janvier 1905, date laquelle il rejoignit les rangs de la justice. Il laissait le souvenir d'un homme intègre, sévère mais juste dans ses décisions juridiques, bien qu'un peu trop procéduriers au goût de certains. Le souvenir d'un jugement en faveur d'un ouvrier estropié en juin 1906 pourrait même attirer l'attention des valéristes les plus modérés, qui craignaient le fanatisme aveugle d'un Figuerald Moniard. Si son titre restait un obstacle, il était le meilleur espoir de la minorité impérialiste de l'assemblée.

C'était sans compter le troisième candidat, Maître Lekshei Kalsang, de nom civil Alec Bahlden. Bien que sa silhouette de petit vieillard frippé ne puisse rivaliser avec le charisme naturel de l'aristocrate, l'homme jouissait du soutien du Temple, et par là même de la bonne réputation des religieux dans les milieux populaires. Novice en politique, il n'en restait pas moins un travailleur sérieux et cultivé, en plus d'être un adepte du dialogue et de la recherche du consensus. Ces belles paroles laissaient cependant deviner sa méconnaissance totale de l'échiquier politique et des enjeux qui le composent - à moins qu'il se prenne vraiment pour un faiseur de miracle ? Rien n'était moins sûr et les indécis hésitaient à lui accorder sa confiance.

Les trois principales factions du pays avaient désormais leurs champions, mais la candidature restait ouverte aux candidats plus ou moins indépendants - peut-être libéraux ou libertaires ?

Ira et ses camarades réfléchirent quelques instants. Présenter leur propre candidat était hors de question, c'était un acte de défiance inutile à l'encontre de Valezo.

Pour autant, il serait bien, songeait Ira, que le candidat du Guide échoue, afin de fragiliser la position des Valezistes purs et durs.

Pourrait-on voter contre celui-ci ? Non, sans doute pas. Mais on pourrait opportunément être absent de l'Assemblée au moment du vote, pensait Ira.
Après tout, n'avait il pas un rendez-vous urgent avec des membres de la communauté paysanne à l'autre bout du pays ?

Discrètement, les akramistes commençaient d'ailleurs à quitter l'Assemblée, un à un, au compte goutte, leur disparition se perdant dans le trafic habituel des allées et venues des députés, qui partaient déjeuner ou discuter à l'extérieur.

Pendant ce temps, Ira examinait les autres candidats. Hors de question qu'un représentant de l'ancien régime accède au perchoir. Non, le moins mauvais choix, c'était le bouddhinste. Ce vieillard pourrait même devenir, par son impartialité, un allié objectif des akramistes au sein de l'Assemblée.

- Trés bien, les candidatures sont closes, affirma Pierre Valezo. Le clivage semblait être respecté. Ceci allait garantir le moral et la confiance des dastorniens vis-à-vis du régime et notamment du pouvoir législatif. Il ne restait plus qu'à procéder au vote.