Lajita attendait cette discussion. Après une période de trêve, le temps que le système se rôde, les décisions du nouveau gouvernement empiraient de jour en jour... c'était couru d'avance, mais cela ne l'empêchait pas d'appréhender le moment de se mettre à table. Il n'était pas encore venu, mais le hors-d'oeuvre du doute se tenait déjà devant elle.
Si seulement les murs étaient plus épais !
- Mon frère, t'es-tu jamais uni à une femme ? demanda-t-elle, se voulant rassurante. Une vie de couple n'est jamais aussi tranquille que se l'imaginent les jeunes qui comptent fleurette : elle s'écueille en compromis plus au moins satisfaisants qui entretiennent la paix du ménage, à défaut de l'harmonie suprême. Une dysharmonie apparente peut pourtant cacher une symbiose fragile mais vivace, quand chaque conjoint tempère les excès de l'autre. Chaitanya, je t'assure que la congrégation a la situation en main, et jamais je ne permettrai que le régime outrepasse les dogmes.
Si seulement elle pouvait en être aussi sûre...
- La nature est composée de toutes choses, et toutes choses composent la Nature, cita-t-elle d'un ton faussement léger, innocent. L'omniprésent se cache jusque dans les murs des lieux cultes pour ouïr nos dires et épier nos actes. Je tâche donc de rester sur le droit chemin pour le bien de nos âmes, puisque tout se paie au bout du compte.
Un regard furtif, discret mais appuyé, tenta de souffler au maître qu'elle ne parlait pas exactement d'une divinité. Ce n'était de toute manière pas le lieu pour en parler.